Rubrique BJOP
Prix National Jacques Lenfant
 

 

Prix du Métier pour sa jeunesse

Jacques Lenfant fut l’un des plus illustres et talentueux orfèvre, bijoutier et joaillier du XXème siècle. Jacques Lenfant naquit en 1904 d’une famille où l’on était bijoutier de père en fils. Il connut ainsi, dès sa petite enfance, le magique ordonnancement de l’atelier « à l’abri des regards et des convoitises du monde ». Sans nul doute, ses exceptionnelles aptitudes d’artisan et de créateur se révélèrent en ce lieu de travail presque chimérique où l’odeur du bois ciré de l’établi se mêlait au bruit du travail de la forge et où les raies de lumière faisaient danser les pierres précieuses posées sur la cheville. Plus tard, des années d’études universitaires et d’Art Décoratif confirmeront son goût pour les formes et les techniques et feront éclater ses talents pour les lier et les conjuguer dans la métamorphose du métal.

Il fut orfèvre, créant des objets d’une incroyable réalité, hiboux mystérieux, faucons vénérables, tortues malicieuses, ambassadeurs insolites de la France dans les palais du monde, et dont l’air jubilatoire nous ferait presque oublier les prouesses techniques d’un plané et d’un repoussé parfaits.

Il fut joaillier, façonnant des diadèmes, bracelets, tours de cous, parant les plus belles femmes du monde, ordonnant savamment l’harmonie des couleurs des gemmes les plus rares, pour les gainer dans un or attendu, rendant le bijou de métal joyau parmi les joyaux.

Il fut bijoutier, l’adresse de ses mains lui permettent d’utiliser le savant alliage de la ciselure, du serti, du poli. Alchimiste il sut créer d’incroyables emmaillements enchevêtrant les fils d’or pour en faire des chaines, et leur donnant le sixième sens de l’esthétique, ce que Paul Valéry appelait « le mouvoir ».

Il fut novateur, dégageant des stricts volumes de la géométrie, s’inspirant du désordre de la nature et du règne animal, pour réaliser ces minuscules architectures dans l’espace que sont les joyaux, collaborant ainsi avec le peintre, le musicien et le poète.

Il s’est toujours engagé pour la Jeunesse et il s’est consacré pendant toute sa vie à la Chambre Syndicale et à l’école du Métier. Il avait une vision forte de l’avenir et le souci de rendre les jeunes générations dépositaires d’un savoir, d’une culture, d’une éducation. Il savait aussi que l’art, si ce n’est la perfection, passe par la technique, fil inducteur entre le rêve du bijou imaginé porté, les croquis qui affluent, la vérité de la cire, et la main qui polit et sertit.

C’est pour La Jeunesse qu’il publia en 1979 un remarquable ouvrage encyclopédique sur les Métiers d’Art et la Bijouterie-Joaillerie.

En 1980, son œuvre est légitimement couronnée par le Grand Prix du Président de la République, qui honorera ainsi la carrière d’un artiste incomparable, estimé de ses pairs.

Il dédia ce prix à la Jeunesse en prenant soin d’affecter une somme d’argent à la Chambre Syndicale pour qu’elle perpétue cette récompense. Chaque année, la Chambre Syndicale devenue Union Française remettait avec son fils, Michel Tauriac-Lenfant, fidèle aux volontés de son père, le prix Jacques Lenfant aux trois meilleurs élèves des CAP « Métaux précieux » et « Art du Bijou et du Joyau » de la Région Ile de France.

Il était du devoir de l’Union Française de donner à ce prix une résonance nationale, en fédérant les écoles ainsi que les chefs d’entreprises et les acteurs de la profession qui, à tous les niveaux, transforment au quotidien des rêves en bijoux et de la poésie en joyaux. Ces compétiteurs économiques, malgré les exigeants challenges auxquels ils sont confrontés, sont soucieux de l’avenir de la Jeunesse du Métier.

Pour Jacques Lenfant, la richesse de notre main d’œuvre, le « passage de témoin » entre les générations étaient essentiels et garants du formidable savoir-faire de la Bijouterie-Joaillerie-Orfèvrerie Française.

« Sans vouloir faire revivre toutes les techniques traditionnelles d’un passé dépassé, il faut être pénétré du fait que, seule la qualité exceptionnelle de notre main d’œuvre permet et permettra à nos métiers de rester ce qu’ils sont » et d’expliquer encore avec passion « la Bijouterie-Joaillerie Française reflète l’enthousiasme, l’élégance, la poésie et la tournure d’esprit particulière qui confère à son style la subtilité et la liberté….. ».

Puissent ces talents et cette culture être communiqués à notre Jeunesse, par les voix conjuguées de Jacques Lenfant, des professeurs et des acteurs du Métier, résolument engagés dans un devenir d’exception.

Puissent leurs voix attentives et confiantes renforcer la Jeunesse du Métier dans sa capacité à réaliser encore et toujours des bijoux en incessante métamorphose, hardiment interprétés et rigoureusement exécutés, nous signifiant ainsi que seule la technique exaltée peut devenir chef d’œuvre, et « que les plus belles œuvres sont avenir et non souvenir ».
Frédéric MATHON
Président de l’Union Française BJOP

Bernadette PINET-CUOQ
Président Délégué